Trinité
Définition: Doctrine fondamentale des religions de la chrétienté. D’après le symbole d’Athanase, il y aurait trois personnes divines (le Père, le Fils et le Saint-Esprit); chacune d’elles serait éternelle, toute-puissante, aucune ne serait supérieure ni inférieure aux autres, chacune serait Dieu, mais elles ne formeraient toutes ensemble qu’un seul et même Dieu. D’autres parties du dogme soulignent que ces trois “personnes” ne sont pas des individualités distinctes, mais trois modes d’existence de l’essence divine. Voilà pourquoi certains tenants de la Trinité prétendent que Jésus Christ est Dieu, ou que Jésus et le Saint-Esprit sont le Dieu. Cettedoctrine n’est pas biblique.
D’où vient-elle?
Il y a longtemps que les religions catholiques et protestantes considèrent la doctrine de la trinité comme le dogme central de la chrétienté.
Provient-elle de la Bible? L’“Encyclopédie britannique” explique que “ni le mot ‘Trinité’ ni la doctrine explicite n’apparaissent dans la Bible”. (Éd. de 1971, tome XXII, p. 241.) En ce qui concerne le dogme d’un Dieu en trois Personnes, l’“Encyclopédie catholique” (angl.) fait cet aveu: “Ce n’est pas (…) directement et immédiatement la parole de Dieu.” (Éd. de 1976, tome XIV, p. 304).
Où pareil concept a-t-il pris naissance? Les triades de Dieu étaient courantes dans la mythologie de l’Égypte et de la Babylone antiques ainsi que dans l’hindouisme et le bouddhisme, comme le montre l’antique triade égyptienne présentée ci-contre et composée d’Isis, d’Osiris et de Horus.
À en croire “The New Schaff-Herzog Encyclopedia of Religious Knowledge”, ce sont les philosophes païens grecs qui ont influencé l’enseignement de la chrétienté. “Les doctrines du Logos et de la Trinité, lit-on, ont reçu leur forme à partir des Pères grecs qui, s’ils n’avaient pas été formés dans les écoles de philosophie platoniciennes, en ont tout au moins subi fortement l’influence directe ou indirecte.” (Tome IX, p. 91).
L’empereur romain Constantin joua également un rôle éminent dans cette affaire. Comme il voyait dans les divisions religieuses une menace à l’unité de son empire, il convoqua un concile d’évêques à Nicée en 325. Après deux mois de débats, l’empereur non baptisé opta pour les partisans de la Trinité. Voici ce qu’on lit dans l’“Encyclopédie britannique” (tome VI, p. 386): “Intimidés par l’empereur, les évêques, à l’exception de deux, signèrent le credo [de Nicée], ce que beaucoup firent contre leur gré.” Les dissidents furent bannis.
Comment la chrétienté est devenue trinitaire
DEPUIS le concile œcuménique Vatican II, il devient de plus en plus évident que l’Église catholique se divise en deux camps. D’un côté, il y a ceux qui ne désirent aucun changement, et de l’autre, ceux qui en attendent davantage avec impatience. Une publication jésuite déclare : “Certains catholiques pensent que les changements sont trop rapides et vont trop loin, et qu’ils iront encore plus loin et se feront encore plus rapidement. Pour d’autres, les changements sont trop limités et trop tardifs, et il n’y a aucun espoir d’en accélérer le rythme.”
Le premier concile œcuménique de l’Église catholique eut lieu à Nicée, en 325 de notre ère ; lui aussi donna le départ à une grande controverse au sein de l’Église. Quel en était l’objet ? La doctrine de la trinité.
Commentant la situation, un historien moderne écrivit : “Les deux groupes de théologiens avaient une telle influence qu’ils scindèrent pratiquement le christianisme en deux camps qui rivalisèrent dans les domaines théologique et politique pendant deux siècles [et même davantage]. Il y avait le groupe ‘orthodoxe’ conduit par Athanase, archidiacre de l’église d’Alexandrie, et les ariens, nom emprunté à Arius, diacre de la même église (…). Les disciples d’Athanase étaient partisans de la trinité ; les ariens, unitariens.” À l’ouest, dans la partie latine, avec Rome pour capitale, la plupart des gens étaient partisans d’Athanase, tandis que la partie orientale et grecque de l’Empire romain était en majorité favorable à Arius et eut finalement pour capitale Constantinople.
Que croyaient les ariens ? Ils étaient attachés à la “doctrine selon laquelle Christ le Fils est inférieur à Dieu le Père et de substance différente parce qu’il a été créé par Dieu et est venu à l’existence après Dieu”.
Que croyaient les partisans de la trinité ? Selon leur doctrine on définit aujourd’hui la trinité comme la “personnalité triple de l’unique Être divin” dans laquelle ‘Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit’ sont dits être de la même substance, coégaux et tous trois incréés et tout-puissants.
Cependant, on admet généralement que l’enseignement de la trinité s’est développé graduellement. Ainsi, le cardinal Newman écrivit que les credo antérieurs à Constantin ne faisaient pas mention d’une telle trinité. Il dit : “Ils parlent, il est vrai, d’une Trinité ; mais que les trois personnes soient une, coéternelles, égales, tout incréées, toutes puissantes, tout incompréhensibles, cela n’est pas établi, et ne pourrait jamais être conclu d’après ces premiers symboles.” — Développement de la doctrine chrétienne, traduction de L. Boyeldieu d’Auvigny, page 13.
Une autorité moderne et importante de l’Église catholique parle dans le même sens : “Il est difficile, dans cette deuxième moitié du vingtième siècle, de présenter un récit clair, objectif et franc de la révélation, de l’évolution doctrinale et de l’élaboration du mystère de la Trinité. (…) On ne devrait pas parler de l’enseignement de la Trinité dans le Nouveau Testament sans de sérieuses réserves. (…) Pour trouver une croyance sans réserve à la Trinité, il faut quitter la période du christianisme primitif et se placer dans le dernier quart du quatrième siècle.” — New Catholic Encyclopedia (1967), tome XIV, page 295.
Constantin et Nicée
Constantin affirma s’être converti au prétendu christianisme, sans doute pour des raisons plus politiques que religieuses. La division doctrinale de l’Église l’inquiétait, car il voyait là une menace pour l’unité de son empire. C’est pourquoi, en sa qualité de pontifex maximus, c’est-à-dire chef principal de la religion, il réunit le premier concile œcuménique à Nicée, en l’an 325 de notre ère. Bien qu’il ne fût pas encore baptisé, il présida ce concile auquel assistèrent seulement 318 évêques ; avec leur suite, il dut y avoir entre 1 500 et 2 000 assistants.
Pendant environ deux mois, trinitaires et ariens se querellèrent, les premiers utilisant souvent une tactique extrêmement intolérante. Remarquant que les trinitaires étaient en majorité, Constantin décida en leur faveur. Il “fit cesser l’opposition parmi les évêques et exigea la signature de tous sous peine d’être exilés. Seuls deux évêques de Libye refusèrent ; avec Arius et les prêtres qui lui restèrent fidèles, ils furent exilés en Illyricum”, territoire correspondant à la Yougoslavie occidentale d’aujourd’hui. Les écrits d’Arius furent saisis et brûlés, et on interdit à chacun d’en posséder sous peine de mort.
Cependant, le triomphe d’Athanase et des trinitaires fut de courte durée. Ayant pris le parti des trinitaires pour des raisons certainement politiques, Constantin était tout aussi prêt à changer de camp lorsque la situation politique l’exigerait. C’est ce qui se produisit quelques années plus tard quand Constantin fit de Byzance sa capitale et construisit la ville portant son nom, Constantinople. Dans cette région, les ariens étaient puissants, et les évêques n’avaient signé la déclaration de Nicée que sous l’effet de la peur.
Eusèbe de Nicomédie, évêque de Constantinople, était partisan d’Arius ; il réussit à persuader Constantin de changer de camp. Ce fut au tour des trinitaires d’être bannis. En 335, Constantin exila Athanase à Trèves, en Gaule. Peu après, immédiatement avant sa mort, Constantin fut baptisé par l’évêque arien Eusèbe.
Constantin abandonna l’empire à ses héritiers, plusieurs neveux et ses trois fils, Constantin II, Constance et Constant. Ses fils se débarrassèrent d’abord des autres héritiers, puis se livrèrent bataille. Finalement, ce fut Constance, arien convaincu, qui l’emporta et s’appropria peu à peu la domination de tout l’empire, tant à l’est qu’à l’ouest, après la mort de ses frères partisans de la trinité. Pour favoriser l’arianisme, il ordonna que les évêques trinitaires fussent remplacés par des évêques ariens, ce qui amena un historien païen de l’époque à se moquer en disant que les “routes étaient couvertes d’évêques galopant”.
Les trinitaires l’emportent finalement
Cependant, la domination des ariens cessa avec la mort de Constance, car les partisans de la trinité étaient toujours en majorité. Cela ne doit pas paraître étonnant puisque, Satan étant le “dieu de ce système de choses”, l’erreur est généralement plus populaire que la vérité (II Cor. 4:4). L’échec des ariens était dû également au fait qu’ils étaient eux-mêmes divisés. Ils furent incapables de publier un credo commun pour exprimer leurs croyances et d’avoir un collège central à qui s’adresser. Ils étaient donc divisés ; or, comment ‘une maison divisée contre elle-même peut-elle tenir’ ? — Mat. 12:25.
Cependant, si les trinitaires l’ont emporté sur les ariens, ce fut plus encore parce que les premiers étaient prêts à avoir recours à la force et à la violence pour parvenir à leurs fins. Il a été rapporté que, lorsque Arius s’est levé pour prendre la parole au concile de Nicée, un certain Nicolas de Myra l’a frappé au visage et que, pendant qu’Arius parlait, de nombreux évêques trinitaires se bouchaient les oreilles et poussaient des cris comme s’ils étaient horrifiés par ses hérésies. Comme exemple typique de l’intolérance des trinitaires, on peut également citer l’occupation d’une église de Milan organisée par Ambrose, évêque de cette ville, afin qu’au moins une église de sa ville ne fût pas donnée aux ariens comme l’avait ordonné l’empereur Valentinien. Les ouailles d’Ambrose occupèrent l’église nuit et jour et chantèrent des cantiques pendant deux semaines jusqu’à ce que l’empereur accède à la demande de l’évêque.
Que l’intolérance violente des trinitaires fût une arme efficace contre les ariens, c’est ce que démontrent les déclarations tout à fait opposées faites par deux des chefs germains “barbares” les plus connus. Clovis, roi des Francs, qui devint catholique romain, donc trinitaire, s’attaqua aux Visigoths ariens se trouvant en Gaule, disant : “Il me déplaît que ces ariens occupent une partie de la Gaule. Marchons et, avec l’aide de Dieu, réduisons-les en esclavage.” Il en fut bien ainsi. À propos de la moisson qui résulta de ces graines d’intolérance, nous lisons que ce fut “une histoire pleine de cruauté, d’avarice et de tromperie, avec des rois débauchés et des reines vengeresses pour qui [le pape] Grégoire cherchait des excuses, car ils défendaient l’orthodoxie catholique”.
Théodoric, roi arien des Ostrogoths, était tout à fait différent de Clovis, catholique intolérant. Zénon, empereur romain d’Orient, le chargea de reconquérir l’Italie qui était aux mains d’un roi qui ne reconnaissait pas Zénon comme le maître de l’Empire romain occidental et oriental. Théodoric conquit l’Italie mais, concernant la religion, déclara : “La religion est une chose que le roi ne peut diriger, car on ne peut contraindre aucun homme à croire contre sa volonté.”
La vie monastique, c’est-à-dire celle des hommes vivant en célibataires dans les monastères, fut un autre facteur qui favorisa les trinitaires. Athanase fut le premier théologien catholique romain important à encourager la vie monastique. Non seulement les moines constituaient une véritable forteresse en faveur du trinitarisme, mais ils étaient prêts à recourir à la violence dans leur zèle en faveur des croyances trinitaires.
Le fait que les guerriers germains qui envahirent l’Empire romain, que ce soit la partie orientale ou occidentale, étaient ariens joua également en faveur des trinitaires. Comment se fait-il que ces “barbares” étaient ariens ? Ils avaient été convertis par Ulfilas, évêque arien. Ainsi, quiconque adoptait l’arianisme était considéré comme un sympathisant de ces envahisseurs.
C’est certainement l’empereur Théodose qui porta le coup le plus dur aux ariens. Par des décrets officiels promulgués en 391-392, il imposa l’orthodoxie catholique romaine à tous les “chrétiens” et priva les ariens ainsi que tous les païens de leurs maisons de culte. Un historien déclare : “Le triomphe légal de l’Église sur l’hérésie [l’arianisme] et le paganisme, ainsi que sa transformation de secte persécutée en un État persécuteur étaient complets.”
Les “barbares” ariens
À partir du cinquième siècle il n’y eut plus d’empereur romain arien. Cependant, cela ne signifiait pas la fin de l’arianisme en tant que religion nationale. Après la mort de Théodose, Rome devint de nouveau la proie des envahisseurs germains ariens qui déferlaient du nord. Une autorité catholique déclare : “Malgré la persécution, le christianisme sous cette forme [arienne] se répandit avec une vigueur remarquable à partir des Goths jusque dans les tribus voisines (…). Quand ils envahirent l’occident et instaurèrent divers royaumes germaniques, la plupart des tribus professaient [l’arianisme] comme religion et persécutaient parfois les Romains qui pratiquaient l’orthodoxie catholique (…). Mais peu à peu l’Église catholique [romaine] réussit à éliminer l’arianisme. Dans certains cas, elle y parvint par des actions militaires qui firent disparaître la population germanique.” Cela eut lieu durant le règne de l’empereur Justinien dont l’ambition était de rétablir l’Empire romain dans sa gloire passée. Il se rendit célèbre par ses persécutions non seulement des ariens, mais aussi des Juifs et des Samaritains. Il interdit même aux Juifs de lire leurs Écritures en hébreu.
Mais Justinien ne fit pas disparaître l’arianisme. Rome eut encore affaire aux Germains barbares, car, quelques années après la mort de Justinien, les Lombards, que l’on dit avoir été la plus féroce des tribus germaniques, envahirent l’Italie. Ils ne mirent pas longtemps pour contrôler la plus grande partie de la péninsule italienne. Puis, au milieu du septième siècle, pour une raison inconnue, les Lombards devinrent peu à peu trinitaires, ou catholiques romains. Bien qu’ils aient continué à créer des ennuis à la papauté, ce n’était plus pour des raisons religieuses, mais politiques ou pour des questions de territoire.
À propos de cette période, nous lisons : “Dans la débâcle qui suivit, la fortune passa d’un camp à l’autre plus souvent en raison des changements politiques et du soutien civil que par des arguments théologiques.” Comme le déclare une autre autorité, l’arianisme “se maintint pendant deux siècles encore, plus par accident que par choix ou conviction”. Disons en passant que cette activité politique et militaire des ariens démontre l’erreur de ceux qui accusent les témoins chrétiens de YHVH pacifiques et apostoliques d’être des ariens.
En considérant ce que révèle l’Histoire quant aux activités politiques des trinitaires et des ariens, nous ne pouvons qu’être impressionnés par l’exactitude avec laquelle Jésus et ses apôtres ont annoncé ce qui allait arriver à la congrégation chrétienne. Dans une de ses images, Jésus déclara : “Pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint et sursema de la mauvaise herbe au milieu du blé.” Le champ qui était à l’origine un champ de blé devint un champ de mauvaises herbes (Mat. 13:25). En considérant la cupidité et la violence de ces hommes, on se rend également compte de la véracité des paroles de l’apôtre Paul qui, annonçant ces événements, déclara : “Je sais qu’après mon départ il entrera parmi vous des loups tyranniques et ils ne traiteront pas le troupeau avec tendresse.” Au nombre de ces loups, on peut ranger aussi bien les trinitaires que les ariens, les premiers étant les plus féroces. — Actes 20:29.
[Note]
Pour se rendre compte que les ariens avaient des arguments bibliques pour soutenir leur point de vue il suffit de lire Jean 14:28 ; Colossiens 1:15-17 ; I Timothée 1:17 ; Apocalypse 3:14.
1553. Dans ces premières années de la Réforme , catholiques et protestants se vouaient une haine mortelle; pourtant, ils étaient unis par une haine encore plus grande vis-à-vis d’un homme : MICHEL SERVET. Quel crime avait donc commis ce respecté médecin ? Avait-il raison ou tord ?
MICHEL SERVET mena une vie de fugitif. Par un jour de printemps de l’an 1553, à l’aube naissante, il s’échappa de sa prison en robe de chambre, son bonnet de nuit sur la tête, et s’enfuit dans la campagne française. Son procès, organisé par les autorités catholiques de Vienne, dans l’Isère, venait de tourner en sa défaveur; celles-ci savaient qui il était: leur grand ennemi, Jean Calvin, chef du protestantisme genevois, avait aidé à son arrestation.
Le crime de Michel Servet s’appelait hérésie. Il avait écrit des livres prouvant que l’enseignement des Églises sur la Trinité n’est pas biblique. Ainsi déclara-t-il: “ La Trinité , le baptême des enfants et les autres sacrements chers à la papauté sont des enseignements de démons.”
Où pouvait-il aller? Peut-être savait-il qu’il avait un petit groupe de partisans dans le nord de l’Italie. Toujours est-il que, sans cesser de se cacher, il décida de s’y rendre. Cependant, passant par Genève, il fut reconnu malgré son déguisement. Devant les autorités de la ville, Calvin le chargea et usa de son influence pour qu’il soit exécuté. C’est ainsi que le 27 octobre 1553 il fut brûlé vif, un de ses livres attaché à la cuisse. Il mourut en priant pour ses ennemis. Il avait refusé de se rétracter. Certaines des personnes qui assistaient à ses derniers moments, saisies par ce spectacle, cessèrent de croire en la Trinité.
Lélius Socin faisait partie de ces Italiens qui avaient été influencés par les écrits de Michel Servet; cette cruelle exécution l’incita à examiner la doctrine de la Trinité. Ayant conclu lui aussi à son caractère non biblique, il fit part de ses convictions à son neveu, Fauste, auquel il confia même tous ses papiers et écrits. Véritablement impressionné par ce qu’il découvrait, Fauste se décida peu à peu à abandonner sa vie confortable de courtisan pour faire connaître à autrui ce qu’il apprenait dans la Bible.
Pourchassé par l’Inquisition, Socin partit en direction du nord. En Pologne, il rencontra un petit groupe d’anabaptistes qui se faisaient appeler “Les frères (…) qui ont rejeté la Trinité ”. Cette religion apparut clairement à Socin comme étant la plus proche de la vérité biblique. Il s’installa donc à Cracovie et commença à écrire pour défendre la cause de ces hommes.
Les Sociniens, c’est ainsi qu’ils furent appelés par la suite, désiraient plus que tout restaurer le christianisme pur qu’enseigne la Bible. Ils considéraient que la Réforme n’avait fait disparaître qu’une partie de la corruption et du formalisme présents dans les Églises, tout en laissant intact le fond mauvais: les enseignements non bibliques.
Une fin rapide et tragique
LES SOCINIENS ont prospéré en Pologne pendant près d’un siècle. Au plus fort de son influence, elle regroupait 300 congrégations. Ils créèrent un centre à Raków, au nord-est de Cracovie, y installèrent une presse et fondèrent une université qui attira des professeurs et des élèves éminents venus de diverses contrées. Leur presse produisit quelque 500 pamphlets, livres et tracts en près de 20 langues. Dans toute l’Europe, des missionnaires et des étudiants diffusaient ces publications sous le manteau. On a dit que les ouvrages écrits en réaction contre ces publications au cours des deux siècles qui suivirent pourraient remplir une bibliothèque.
En 1658, les jésuites atteignirent enfin leur but. Sur leurs instances, le roi décréta que tous les membres de la petite Église polonaise devaient quitter le pays dans les trois ans sous peine d’être exécutés. Des centaines de Sociniens choisirent l’exil. C’est alors qu’une persécution brutale éclata. Quelques petites congrégations survécurent pendant un certain temps en Transylvanie, en Prusse et aux Pays-Bas, mais ces groupes isolés finirent eux aussi par disparaître.
L’Origine historique de la Trinité
AUSSI LOIN que l’on remonte dans l’Antiquité, et ce jusqu’à l’époque babylonienne, on constate qu’il était courant d’adorer les dieux païens par groupes de trois, appelés triades. Des siècles avant la venue du Christ et jusqu’après sa mort, l’influence de cette pratique s’est fait sentir en Égypte, en Grèce et à Rome. Après la mort des apôtres, ces croyances païennes commencèrent à envahir le christianisme.
L’historien Will Durant fait remarquer à cet égard: “Le christianisme n’a pas détruit le paganisme; il l’a adopté. (…) D’Égypte vinrent les idées de trinité divine.” Quant à Siegfried Morenz, il déclare dans Lareligion égyptienne: “[On] faisait de la trinité à la fois une possibilité et un devoir pour les théologiens (…). On réunit donc trois dieux en un seul dont on peut parler au singulier. Mais de cette manière le courant d’influence égyptienne est mis en contact direct avec la théologie chrétienne.”
À la fin du IIIe et au IVe siècle, en Égypte, des ecclésiastiques d’Alexandrie, tel Athanase, transmirent cette influence par les idées qu’ils formulèrent et qui conduisirent à la Trinité. Ces hommes acquirent eux-mêmes une grande notoriété, si bien que Morenz considère “la théologie alexandrine comme l’intermédiaire entre l’héritage religieux égyptien et le christianisme”.
Dans la préface de l’Histoire du christianisme (angl.), d’Edward Gibbon, on peut lire: “S’il est vrai que le christianisme a triomphé du paganisme, il n’en demeure pas moins que le paganisme a réussi à corrompre le christianisme. L’Église de Rome a remplacé le déisme pur des premiers chrétiens (…) par l’incompréhensible dogme de la Trinité. Pareillement , de nombreuses doctrines païennes inventées par les Égyptiens et idéalisées par Platon ont été adoptées parce que considérées comme dignes de foi.”
Selon le Dictionnaire de la connaissance religieuse (angl.), beaucoup de gens disent que la Trinité “est un enseignement corrompu, emprunté des religions païennes et greffé sur la foi chrétienne”. Pour l’ouvrage Survivances païennes dans le monde chrétien, la Trinité est “d’origine entièrement païenne”.
Voilà pourquoi James Hastings déclare, dans l’Encyclopédie de la religion et de l’éthique (angl.): “Dans la religion indienne, par exemple, nous rencontrons la trinité Brahmâ, Siva, et Visnu; dans la religion égyptienne, la triade Osiris, Isis et Horus (…). Ce n’est pas seulement dans les religions historiques que nous trouvons l’idée d’une trinité. Signalons particulièrement la conception néo-platonicienne de la Réalité suprême ou ultime” qui est “représentée sous une forme triadique”. Toutefois, quel rapport y a-t-il entre le philosophe grec Platon et la Trinité ?
Le platonisme
ON PENSE que Platon a vécu de 428 à 347 avant Jésus Christ. Bien qu’il n’ait pas enseigné la Trinité sous la forme qu’elle revêt aujourd’hui, sa philosophie a frayé la voie à cette doctrine. Par la suite, divers mouvements philosophiques qui propageaient des croyances triadiques virent le jour et furent influencés par les conceptions platoniciennes de Dieu et de la nature.
Le Nouveau Dictionnaire universel de Maurice Lachâtre dit de l’influence exercée par Platon: “La trinitéplatonique
, qui ne fut elle-même au fond qu’une sorte d’arrangement, de disposition nouvelle, des trinités plus anciennes des peuples qui avaient précédé, nous paraît bien être la trinitéphilosophique, rationnelle, c’est-à-dire la trinité d’attributs qui a donné naissance à la triplicité d’hypostases ou de personnes divines des Églises chrétiennes (…). Cette conception de la Trinité divine du philosophe grec (…) se trouve partout dans les anciennes religions [païennes].”
La Nouvelle Encyclopédie de la connaissance religieuse (angl.), de Schaff-Herzog, décrit l’influence de la philosophie grecque: “Les doctrines du Logos et de la Trinité ont reçu leur forme à partir des Pères grecs, qui (…) étaient, directement ou indirectement, grandement influencés par la philosophie platonicienne (…). Il est indéniable que cette philosophie a constitué pour l’Église une source d’erreur et de corruption.”
On lit dans L’Église des trois premiers siècles: “La doctrine de la Trinité est apparue progressivement et relativement tard; (…) son origine est totalement étrangère aux Écritures juives et chrétiennes; (…) elle s’est développée et a été introduite dans le christianisme avec le concours des Pères platoniciens.”
À la fin du IIIe siècle, le “christianisme” et les nouvelles philosophies inspirées du platonisme étaient inséparablement unis. Comme le dit Adolf Harnack dans son Précis de l’histoire des dogmes, la doctrine de l’Église se trouvait “rivée par des chaînes au sol de l’hellénisme [la pensée grecque païenne]. (…) Elle devint ainsi un mystère pour la très grande majorité des chrétiens”.
L’Église prétendait que ses nouvelles doctrines étaient fondées sur les Écritures; mais voici ce que dit Adolf Harnack à ce sujet: “En réalité, l’Église reconnut pour légitime la présence dans son sein de la spéculation hellénique des idées et des usages superstitieux des mystères païens.”
Dans Une déclaration de raisons (angl.), Andrews Norton dit de la Trinité : “Nous pouvons retracer l’histoire de cette doctrine et découvrir son origine, non dans la révélation chrétienne, mais dans la philosophie platonicienne (…). La Trinité n’est pas une doctrine enseignée par le Christ et ses Apôtres, mais une fiction due à l’école des platoniciens tardifs.”
Ainsi, c’est au IVe siècle que l’apostasie annoncée par Jésus et les apôtres a connu son plein développement. La formation du dogme de la Trinité n’en est du reste qu’une des manifestations, car parmi les autres croyances ou pratiques païennes que les Églises apostates ont alors adoptées, on peut citer l’enfer de feu, l’immortalité de l’âme et l’idolâtrie. La chrétienté était entrée dans la période des ténèbres spirituelles qu’annonçaient les Écritures, période qui allait être dominée par un “homme qui méprise la loi”, autrement dit un clergé, de plus en plus puissant. — 2 Thessaloniciens 2:3, 7.
Le rôle de Constantin à Nicée
DEPUIS de nombreuses années, une idée qui se répandait, et selon laquelle Jésus est Dieu, rencontrait une vive opposition, opposition fondée sur les Écritures. Pour tenter de mettre fin au conflit, l’empereur romain Constantin convoqua tous les évêques à Nicée. Une partie d’entre eux seulement, soit environ 300, s’y rendirent.
Constantin n’était pas chrétien. On dit qu’il s’est converti sur le tard; toutefois, il s’est fait baptiser alors qu’il était mourant. Dans L’Église primitive (angl.), Henry Chadwick dit de lui: “Comme son père, Constantin adorait le Soleil invaincu; (…) on ne doit pas voir dans sa conversion un effet de la grâce (…), mais le calcul d’un chef militaire. Sa compréhension de la doctrine chrétienne ne fut jamais très claire. Néanmoins, il était sûr d’une chose: la victoire au combat était un don du Dieu des chrétiens.”
Quel rôle cet empereur, qui n’était pas baptisé, a-t-il joué lors du concile de Nicée? Voici ce qu’on peut lire à ce propos dans l’Encyclopédie britannique: “Ce fut Constantin qui présida. Il dirigea activement les discussions, et ce fut lui qui proposa (…) la formule capitale qui allait exprimer la relation du Christ à Dieu dans le Credo adopté par le concile, ‘de même substance que le Père’ (…). Intimidés par l’empereur, les évêques, à l’exception de deux, signèrent le Credo, ce que beaucoup firent contre leur gré.”
Le rôle de Constantin fut donc déterminant. Après deux mois d’un débat acharné entre les évêques, cet empereur païen trancha en faveur de ceux pour lesquels Jésus était Dieu. Pourquoi cela? Certainement pas en raison d’une conviction nourrie par les Écritures. En effet, selon Une brève histoire de la doctrinechrétienne (angl.), “Constantin n’avait pour ainsi dire aucune compréhension des questions que posait la théologie grecque”. Ce qu’il comprenait, en revanche, c’est que la division religieuse était une menace pour son empire, dont il voulait consolider l’unité.
Au demeurant, les évêques réunis à Nicée ne mirent pas véritablement en place le dogme de la Trinité. Ils statuèrent sur la nature de Jésus, mais non sur le rôle de l’esprit saint. Si la Trinité était une claire vérité biblique, les évêques ne l’auraient-ils pas énoncée à cette époque?
Ce qui se passa ensuite
APRÈS Nicée, les discussions se poursuivirent pendant des dizaines d’années. Ceux qui ne voyaient pas en Jésus l’égal de Dieu reprirent même le dessus pendant un certain temps. Cependant, l’empereur Théodose finit par régler la question à leur détriment. Il imposa le Credo du concile de Nicée dans son royaume et, en 381, réunit le concile de Constantinople pour en clarifier la formule.
Ce concile plaça l’esprit saint sur le même plan que Dieu et le Christ. La Trinité , telle qu’elle est enseignée par la chrétienté, faisait son apparition.
Cependant, même après le concile de Constantinople, tous n’acceptèrent pas la Trinité. Nombreux sont ceux qui s’y opposèrent et qui furent l’objet d’une violente persécution. Il fallut attendre des siècles pour que la Trinité reçoive une formulation précise au travers des symboles ou Credo. L’Encyclopédieaméricaine fait remarquer à ce sujet: “L’idée trinitaire atteignit son plein développement au Moyen Âge, en Occident, lorsque la scolastique en entreprit l’explication par la philosophie et la psychologie.”
Le symbole d’Athanase
AVEC le symbole d’Athanase, la Trinité reçut une définition plus élaborée. Athanase, qui était ecclésiastique, soutint Constantin lors du concile de Nicée. Le symbole qui porte son nom déclare: “Nous [vénérons] un seul Dieu dans la Trinité (…). Dieu est le Père; Dieu, le Fils; Dieu, le Saint-Esprit: et il n’y a pas trois Dieux, mais un seul Dieu.”
Toutefois, les spécialistes sont unanimes à reconnaître que ce symbole n’a pas été formulé par Athanase. On lit dans la Nouvelle Encyclopédie britannique: “L’Église d’Orient n’a pas eu connaissance du symbole avant le XIIe siècle. Depuis le XVIIe siècle, les biblistes admettent que ce symbole n’est pas dû à Athanase (mort en 373), mais qu’il a probablement été rédigé au Ve siècle dans le sud de la France. (…) L’influence du symbole semble d’abord s’être fait sentir, aux VIe et VIIe siècles, dans le sud de la France et en Espagne. L’Église de Germanie au IXe siècle, et un peu plus tard celle de Rome, l’intégrèrent à leur liturgie.”
Ainsi, à partir de l’époque du Christ, il a fallu des siècles pour que la Trinité soit acceptée dans l’ensemble de la chrétienté. Qu’est-ce qui, en tout cela, a guidé les décisions? La Parole de Dieu, ou bien des considérations politiques ou de chapelle? Dans Origine et évolution de la religion (angl.), E. Hopkins répond: “La définition orthodoxe de la Trinité qui finit par l’emporter fut essentiellement le résultat des préoccupations politiques de l’Église.”
Pourquoi les prophètes de Dieu ne l’ont-ils pas enseignée?
POURQUOI, pendant des millénaires, aucun prophète de Dieu n’a-t-il enseigné la Trinité à Son peuple? On aurait pu au moins penser que Jésus, le grand Enseignant, expliquerait ce dogme à ses disciples. Si la Trinité était la “doctrine fondamentale” de la foi, Dieu aurait-il inspiré les centaines et les centaines de pages que représentent les Écritures sans consacrer un peu de cette instruction à l’enseignement de la Trinité ?
Les chrétiens peuvent-ils croire que, des siècles après la venue de son Fils et après avoir inspiré la rédaction de la Bible , Dieu ait approuvé l’introduction d’une doctrine qui avait été inconnue de ses serviteurs pendant des millénaires, qui est un “mystère indicible”, qui “dépasse l’entendement humain”, dont l’origine païenne est reconnue, et qui fut “essentiellement le résultat des préoccupations politiques de l’Église”?
Le témoignage de l’Histoire est clair: le dogme de la Trinité est une déviation et relève de l’apostasie.
Pas le seul à comprendre
OUTRE MICHEL SERVET, ISAAC NEWTON, l’un des plus grands hommes de science de tous les temps, réfuta la Trinité dans ses écrits; il est parfois considéré comme Socinien. Joseph Priestley, chimiste célèbre (il a découvert l’oxygène), fut lui aussi classé parmi les Sociniens. John Milton, le grand poète, rejeta également la Trinité. En outre, Voltaire trouva amusant que Luther, Calvin et Zwingli, dont il tenait les écrits pour “illisibles”, aient convaincu une grande partie de l’Europe, alors que “les plus grands philosophes et les meilleurs écrivains de leur temps”, tels Newton et les autres Sociniens, n’avaient fait que quelques adeptes déjà près de disparaître.
Comme Socin, ces hommes mettaient l’accent sur l’importance de la raison dans les questions religieuses. C’est ainsi qu’il devrait en être. La Bible , en effet, ne nous encourage-t-elle pas à servir Dieu ‘avec usage de notre raison’? (Romains 12:1.)
